Association de Transplantés Pulmonaires
source : Le Monde / 13 mars 2008
Il est urgent de mieux informer et de mettre en place des solutions sérieuses
Nous ne pouvons plus attendre. Attendre que nos appels au secours soient enfin entendus
par les pouvoirs publics. Attendre que l’on veuille bien mettre en place un système
cohérent d’information du grand public en faveur du don d’organes. Attendre que les Français,
qui savent faire preuve d’une grande générosité et d’une grande solidarité, se positionnent
sur ce qui est pour nous tous une véritable cause nationale ! Nous ne pouvons plus attendre.
Et attendre quoi enfin ? Que le sourire d’Océane, 3 ans, qui se bat à Marseille depuis sa
naissance contre une malformation cardiaque s’éteigne faute d’une greffe coeur-poumons ?
Que l’histoire du jeune chanteur Grégory se répète à l’infini dans notre pays. Combien de destins
brisés faudra-t-il encore égrener avant que l’on agisse enfin pour sauver toutes ces vies ?
Tous les deux jours en France, un homme, une femme ou un enfant meurt faute de la greffe qui
l’aurait sauvé. C’est inacceptable ! Cela aurait pu être ma soeur Marie, atteinte depuis sa
naissance du syndrome d’Alport et à qui j’ai donné un rein. Mais demain, c’est peut-être votre
frère, votre soeur, votre cousin ou votre enfant que cela concernera. Avec toutes les associations
qui se battent depuis des années pour le don d’organes, nous avons aujourd’hui l’impression de hurler
dans le vide et dans un silence assourdissant. Car la liste des malades en attente de greffe explose :
5 768 nouveaux inscrits en 2007. C’est énorme ! Quelque 231 malades sont morts faute d’avoir reçu
un greffon à temps. (Sur les 13 074 personnes qui en avaient besoin, seules 4 664 ont été greffées.)
Actuellement, 3 millions de personnes souffrent de maladies rénales et 35 000 personnes sont dialysées
en France. Un gouffre en matière de santé publique, un calvaire pour ceux qui passent leurs jours ou
leurs nuits reliés aux machines de dialyse. La greffe est la seule solution pour eux. Alors en cette
Journée mondiale du rein, le 13 mars, nous lançons un appel pour que des solutions soient mises en
place de toute urgence dans notre pays. Nous avons certes la loi la mieux faite au monde puisqu’elle
stipule que quiconque n’est pas inscrit sur un registre de refus est donneur présumé. Mais paradoxalement,
elle bloque les équipes qui proposent la transplantation et qui se heurtent au refus de familles souvent
mal informées et sous le choc du décès d’un proche. Alors oui, il faut en parler autour de soi, marteler
qu’il s’agit d’un don de vie et non pas d’un don de mort. Dire qu’avec un prélèvement on peut sauver six
ou sept vies. Dire qu’en prenant soi-même cette décision, on soulage sa famille d’avoir à le faire dans
un moment de grande douleur.
Mais il faut faire plus. Nous demandons que les médecins traitants puissent, à l’issue d’un dialogue
approfondi avec leur patient, inscrire sur chaque carte Vitale : « favorable ou non », au don d’organes.
Une mention qui permettra aux équipes de prélèvement de dire aux familles : « Il était au courant, il
était volontaire pour donner ses organes. » En décembre 2007, 153 députés se sont déclarés favorables à
l’inscription de cette donnée sur la carte Vitale 2. La proposition de loi a été transmise pour examen à
la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale. Depuis, nous attendons toujours l’impulsion
politique qui permette sa mise en application. Et derrière nous, ne vous trompez pas, se profilent les
visages de tous les malades qui savent qu’ils vont mourir faute de greffe. Dans le même temps, il faut
continuer à informer par tous les moyens, y compris à l’école. Les jeunes sont majoritairement favorables
au don d’organes lorsqu’on les interroge.
Depuis décembre 2006, un décret publié au Journal officiel incite tout médecin traitant qui suit un
patient âgé de 16 à 25 ans à l’informer sur ce sujet. « Le don, la greffe et moi », un beau thème
lorsque l’on est adolescent : mais en ont-ils seulement entendu parler ? Il est temps de nous réveiller,
il est temps d’agir pour que la France ne soit pas parmi les pays les moins dynamiques en matière de dons
d’organe !
Dans le monde entier, la pénurie de greffons fait l’objet d’une prise de conscience collective qui oblige
les gouvernements à s’organiser. L’Espagne a atteint un taux de don d’organes record, que ce soit en
matière de greffes de foie, de rein, de coeur, de poumons ou de pancréas. Preuve qu’on peut y arriver
à force de volonté politique et de campagnes d’information. C’est à ce prix-là aussi que nous pourrons,
et il ne faut pas l’oublier, lutter contre toutes les dérives notamment le trafic d’organes.
Les plus riches n’hésitent pas parfois à acheter des organes aux plus pauvres qui sont prêts à se
faire prélever un rein pour quelques euros. L’Organisation mondiale de la santé estime que le
« tourisme de transplantation » représenterait près de 10 % des transplantations effectuées dans le monde.
Encourager les dons d’organes c’est aussi un moyen de combattre les trafics les plus ignobles.
J’appelle donc les autorités de la santé et ceux qui dirigent ce pays à agir et non plus à réfléchir.
A sauver des vies et non pas à sauver des voix. C’est une course contre la mort et pour la vie qui doit
maintenant s’engager.
Richard Berry est acteur et réalisateur.